Palestine : Lettre ouverte au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

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Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
 
Monsieur Le ministre,
 
C’est une situation inédite et particulièrement grave qui est créée par les calomnies de l'État d'Israël, suivies des décisions des autorités militaires d’occupation, à l'encontre de six des organisations palestiniennes de défense des droits humains les plus importantes et de renommée internationale : Addameer - association de soutien aux prisonniers et aux droits humains, Al Haq - le droit au service des hommes, Bisan – centre de recherche et de développement, Defense for Children International - Palestine, l'Union des comités de travail agricole, l'Union des comités de femmes palestiniennes.
 
Leur classification comme « terroristes » par le ministre israélien de la Défense, le 22 octobre, constituait d’ores et déjà une attaque d’une extrême gravité. La lettre du 2 novembre de 26 organisations, dont nous soutenons l’initiative, vous alertait sur ce point. Avec l'ordre d'interdiction militaire qui a suivi le 7 novembre, ces organisations sont en grand danger : leurs locaux peuvent être envahis ou fermés, leur matériel confisqué, leurs dirigeants et leur personnel arrêtés, et leur financement est mis en péril.
 
Les services de protection qu'elles fournissent à la population palestinienne, ainsi que leur capacité à informer les instances internationales des violations des droits humains en Palestine, sont eux-mêmes mis en danger par cette décision.
 
La révocation du statut de résident de Salah Hamouri se situe dans la même logique, en même temps qu’elle crée un précédent particulièrement dangereux pour Jérusalem. La France comme l'Union européenne doivent rester fidèles à leurs propres valeurs : elles doivent protéger les défenseurs palestiniens des droits de l’Homme. L’absence de déclaration officielle de la part des autorités françaises, en-dehors du point de presse du 26 octobre, est d’autant plus choquante que l’une de ces organisations, Al-Haq, a reçu le prix des droits de l’Homme de la République française, conjointement avec l’organisation israélienne B’Tselem, en décembre 2018.
 
La formulation même du point de presse du 26 octobre laisserait entendre que l’État d’Israël aurait une légitimité quelconque à intervenir à l’encontre de ces ONG palestiniennes. Ceci est doublement faux : d'une part parce que ces organisations sont soumises au droit palestinien et que l'État d'Israël n'a pas à s'immiscer dans leurs affaires, d'autre part parce que les dirigeants israéliens qui les accusent sont les mêmes qui pourraient être mis en cause par les procédures de la CPI... qui elles-mêmes pourraient se fonder sur les informations et les dossiers d'enquête fournis par ces ONG.
 
Nous vous demandons donc tout d'abord une expression publique beaucoup plus claire sur cette question. En particulier, nous vous demandons de :
  • rejeter clairement les allégations israéliennes et remettre en cause leur légitimité,
  • renouveler publiquement votre confiance dans ces organisations de défense des droits humains, qui font un travail remarquable et indispensable sur le terrain,
  • demander formellement au gouvernement israélien de revenir sur ses décisions de les désigner puis de les interdire,
  • informer tous les donateurs et intermédiaires financiers de votre rejet des décisions prises par l'État d'Israël et de votre confiance dans les ONG en question,
  • recevoir officiellement, à votre niveau, les dirigeants de ces ONG et les assurer de votre soutien total,
  • agir dans le même temps avec toute la fermeté nécessaire pour l’abrogation de la décision visant Salah Hamouri,
  • soutenir publiquement et financièrement l'action de la CPI y compris pour le cas de la Palestine.
 
Au-delà de cette expression publique indispensable, il est nécessaire de passer à l'action. Le premier acte que vous pouvez poser, directement auprès de la Commission européenne et au niveau du Conseil Affaires Etrangères de l‘UE, concerne l'accord associant Israël au programme de recherche et développement Horizon Europe. Si l'on peut imaginer que même le simple respect des lignes directrices de juillet 2013 n'était pas franchement approuvé par Israël, la Commission a probablement voulu faire un «geste positif» envers Israël en déclarant le 18 octobre que les négociations étaient terminées. On connaît le résultat : quatre jours plus tard, l'État d'Israël lançait la plus grave offensive de son histoire contre les organisations palestiniennes de défense des droits humains. Et quelques jours plus tard, le 30 octobre, l'ambassadeur israélien déchirait à la tribune de l'ONU le rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU.
 
Dans un tel contexte, la signature de cet accord, prévue le 9 décembre, serait une honte pour l'Europe et pour la France. Nous vous demandons, Monsieur le Ministre, d’agir avec la plus grande fermeté pour suspendre la signature de cet accord. Il s'agit d'une simple mesure de décence. Au-delà, des mesures plus contraignantes devront être prises si l'État d'Israël persiste dans sa position.
 
Enfin la reconnaissance officielle par la France de l’Etat de Palestine, dans le respect de l’avis quasi unanime de la résolution de l’assemblée nationale, serait un geste fort pour renforcer la pression sur le gouvernement Israélien pour une paix juste et durable entre israéliens et palestiniens.
 
Recevez monsieur le Ministre l’expression de nos salutations respectueuses.
 
Paris, le 23 novembre 2021
Pour le Conseil National du Mouvement de la Paix
Roland Nivet
Co-porte-parole national du Mouvement de la Paix

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