Déclaration du Mouvement de la Paix après le discours du Président de la République prononcé à l’école de guerre le 7 février 2020
Lors de son discours à l’Ecole de guerre le 7 Février 2020, le Président de la République française, E. Macron réaffirme l’engagement de la France dans la funeste course aux armes nucléaires.
Theodore Monod « L'arme nucléaire, c’est la fin acceptée de l’humanité »
Jean Rostand « Préparer un crime c’est déjà un crime ».
Le Pape François à Hiroshima en novembre 2019 : « L'utilisation de l'énergie atomique à des fins militaires est un crime »
Lors de son discours du 7 février à l’école de guerre, le Président de la République Française E. Macron, en ne faisant aucune proposition concrète en faveur du désarmement nucléaire, en confirmant son rejet du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires, en défendant une extension européenne des armes atomiques françaises, a en fait validé une nouvelle étape de la course aux armes nucléaires et de leur prolifération.
À trois mois de la conférence d'examen du Traité de Non-Prolifération Nucléaire qui aura lieu aux Nations Unies à New York en mai 2020, nous étions en droit d'attendre du Président de la République des propositions concrètes et innovantes en faveur d'un processus de désarmement nucléaire négocié, progressif et équilibré s'appuyant sur les dispositions prévues dans le cadre du Traité de Non-Prolifération Nucléaire (2) et du Traité d'Interdiction des Armes Nucléaires.
Le Président de la République a bien été obligé de concéder l'existence d'un débat éthique et juridique autour des armes nucléaires, en particulier après la déclaration du Pape à Hiroshima. Mais, c'est pour mieux refermer la porte du débat en ressortant la caricature du désarmement nucléaire unilatéral qui n’est au cœur d’aucun dispositif juridique actuel de désarmement nucléaire (TIAN ou TNP). II falsifie les objectifs de ceux qui agissent pour le respect par la France de ses engagements au titre du TNP et de ceux qui exigent la ratification par la France du Traité d’interdiction des armes nucléaires adopté par 122 Etats à l’Onu le 7 juillet 2017, signé à ce jour par 81 Etats, ratifié par 35 et qui rentrera en vigueur après sa ratification par 50 Etats.
Il demande enfin à participer aux négociations sur les forces nucléaires intermédiaires. Nous espérons que ce n’est pas seulement pour entrer dans le « club des grands ».
Par contre il a franchi un pas très dangereux vers une nouvelle prolifération horizontale des armes nucléaires en défendant « la dimension authentiquement européenne des forces nucléaires françaises » et a appelé à des augmentations conséquentes des budgets militaires en Europe.
Il a hélas souligné que la dissuasion française s'intégrait parfaitement au concept stratégique de l'OTAN, alors que l’histoire récente montre que cette organisation illégale en termes de droit international, est un facteur d’insécurité et de reprise de la course aux armements y compris nucléaires.
Enfin, il a indiqué que l’utilisation de l’arme nucléaire française était possible, même en cas de menace non-nucléaire, en indiquant que la dissuasion s’adresse à « toute menace d’origine étatique contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme ».
Il a rajouté que pour préserver ses intérêts vitaux, la France pourrait être amenée à délivrer « un avertissement nucléaire, unique et non renouvelable ».
Finalement, le Président de la République, avec quelques variantes sémantiques par rapport aux discours habituels, a en fait confirmé la volonté de la France, exprimée dans la revue stratégique et la loi de programmation nucléaire, de poursuivre son programme de « modernisation » qui va conduire la France à dépenser de l'ordre de 100 milliards d'euros en 15 ans pour de nouvelles armes nucléaires et en particulier pour le renouvellement de la totalité de la FOST (force océanique stratégique) en violation du TNP. Nous attendions qu’il fasse des propositions concrètes aux autres puissances nucléaires pour qu’elles arrêtent la reprise dangereuse de la course aux armements nucléaires et que tous les Etats en possession d’armes nucléaires contribuent multilatéralement au sein de l’ONU au succès de la conférence d’examen du TNP en mai 2020.
Les armes atomiques sont illégales, inutiles militairement, dangereuses, coûteuses et moralement inadmissibles. La seule alternative à leur prolifération, c’est leur élimination pour éviter in fine l’apocalypse nucléaire.
Alors que partout dans le monde, et depuis des mois en France, les exigences populaires s’expriment pour la paix, la justice sociale et la défense du climat, prévoir de consacrer des centaines de milliards d’euros pour de nouveaux armements nucléaires est irresponsable.
Le Mouvement de la paix entend porter les exigences de la grande majorité des Français qui à 76% demandent que la France s'engage dans le processus de désarmement nucléaire et à 67 % demandent que la France ratifie le traité d'interdiction des armes nucléaires (sondage IFOP/la Croix/Planète Paix de juin 2018).
C’est en effet à la population de réaffirmer avec force ses exigences afin de développer le débat, au cœur de la société française, durant les 3 mois précédant la conférence d'examen du TNP qui réunira à New York la quasi-totalité des Etats du monde en mai 2020 et à laquelle participeront une centaine de citoyens français avec le Mouvement de la paix et aux cotés de milliers de militants venant du monde entier.
A Paris, le 8 février 2020
Le Mouvement de la Paix
Citations utiles
Theodore Monod disait « l’arme nucléaire, c’est la fin acceptée de l’humanité »
Jean Rostand disait « préparer un crime c’est déjà un crime ».
Le Pape François à Hiroshima le 23 novembre 2019 a indiqué que «l'utilisation de l'énergie atomique à des fins militaires est un crime» et qu’ «un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire» et enfin que «le temps est venu de renoncer aux armes nucléaires et de construire une paix collective et concertée».
L’article 6 du TNP prévoit que « Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».
Le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) a été voté à l’Onu le 7 juillet 2017. Le TIAN vise à interdire la fabrication, les transferts, l’emploi et la menace d’emploi des armes nucléaires, en raison des conséquences humanitaires catastrophiques qu’entraînerait leur utilisation. Actuellement 81 Etats ont signé le TIAN et 35 l’ont ratifié. Il entrera en application dès que 50 Etats l’auront ratifié, ce qui ne saurait tarder puisque 122 Etats l’ont voté. La France ne pourra se mettre hors la loi.
Déjà pour les années 2014 à 2019, 23.3 milliards ont été attribués à la dissuasion nucléaire soit 50 % des crédits d’équipements destinés aux armements conventionnels, ce qui avait d'ailleurs suscité l'inquiétude d'un certain nombre de députés y compris parmi ceux favorables à la dissuasion. Le livre blanc de la défense confirmé par la revue stratégique, a fixé le cap d'un renouvellement quasi total des armes nucléaires en particulier le renouvellement des quatre sous-marins nucléaires de la FOST (Force océanique stratégique). La loi de programmation militaire a prévu des augmentations budgétaires considérables qui devraient porter le budget de la défense de 3,2 milliards en 2017 à environ 6 à 7 milliards en 2025 soit un doublement des crédits consacrés aux armes nucléaires. C’est de l’ordre de 100 milliards d’euros sur 15 ans au minimum qui vont être consacrés, uniquement dans le budget de la défense, en violation du TNP, à la construction de nouvelles armes nucléaires.