Conseil National du Mouvement de la Paix : les Kurdes en Turquie et au Rojava

Publié le par anonyme

plénière du conseil national des 2 et 3 février 2018 consacrée aux Kurdes  : axe prioritaire "pour une paix juste et durable au Proche et Moyen-Orient"

Proche et Moyen-Orient : les Kurdes en Turquie et au Rojava

Rappel : le Kurdistan existait comme pays dans l’empire ottoman. 
1921 : le traité de Sèvres prévoit le Kurdistan comme un pays dans les mêmes frontières (le traité de Versailles devait régler les problèmes en Europe et le Traité de Sèvres ceux du Proche Orient).
1923 : le traité de Lausanne annule le traité de Sèvres : le Kurdistan est partagé entre 4 pays 

Sur une population de 40 millions de Kurdes environ, Turquie (20 millions), Iran (10 millions), Irak (5 millions), Syrie (Rojava) (2 millions) et diaspora (3 millions) mais les estimations diffèrent souvent. En France : dans de nombreuses villes existent des associations d’amitié franco-kurdes : Paris, Strasbourg, Marseille, Rennes, Lyon, Grenoble, Reims, Tulle, etc…Le Mouvement de la Paix est solidaire des kurdes depuis plus de 20 ans avec sa participation à un collectif autour de Danièle Mitterrand et il fait partie de la CNSK- Coordination Nationale Solidarité Kurdistan – avec de nombreuses autres associations françaises et kurdes réparties sur l’ensemble du territoire français. Le compte-rendu de la dernière réunion du 1er décembre à laquelle assistaient Yves-Jean Gallas et Edith Boulanger pour le Mouvement et comportant de nombreuses informations importantes a été diffusé sur la liste echangecomites@mvtpaix.org.

Le 31 janvier, le sociologue Jean Ziegler, appelle l’ONU à tenir une session d’urgence sur la Turquie à structure fasciste.
Ziegler: « L’État turc commet ouvertement des crimes contre l’humanité. Leur traitement des Kurdes constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité. Les récentes réalités documentées témoignent de cette affaire. Il n’est pas juste de garder le silence sur ces crimes. ».
Dans le cadre de la Vague des 250 grévistes de la faim en Turquie et Europe (15 à Strasbourg), initiée par Leyla Güven le 7 novembre 2018, députée du HDP emprisonnée à la tristement célèbre prison de Diyarbakir, Jean Ziegler a déclaré : « La résistance de Leyla Güven est honorable ». Elle a été libérée de prison depuis quelques jours mais elle est toujours gréviste de la faim. Son état de santé est critique.
Raison des grèves de la faim : respect des droits de l’homme et libération des prisonniers politiques, en particulier Abdullah Öcalan détenu depuis 20 ans en isolement sur l’ile d’Imrali dans la mer de Marmara et dont on était sans nouvelles depuis plus de 2 ans- Un des résultats des grèves : 15 mn d’entretien avec son frère en janvier 2019 !
À Marseille : initiative européenne « la longue marche »  les 14-15 et 16 février pour la libération du créateur du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), 20 ans exactement après sa capture, avec comme mot d’ordre «  Liberté pour Öcalan et tous les prisonniers politiques ». Initiative organisée par un collectif Solidarité Kurdistan. Le Mvt de la Paix est invité à prendre la parole au cours de ce rassemblement. La question kurde fait l’objet d’une de nos campagnes traitant de la situation au Proche et Moyen Orient. Öcalan est une figure emblématique de la résistance kurde, créateur du PKK, il a une grande aura auprès du peuple kurde car fils de paysan humble. Il a jeté les bases d’une nouvelle société démocratique – égalité femmes/hommes notamment. Le PKK, à l’initiative d’ Öcalan, a décidé plusieurs cessez le feu unilatéralement mais les gouvernements turcs n’en ont pas tenu compte durablement.
La demande concerne aussi la libération de tous les prisonniers, kurdes et non  kurdes,  journalistes, avocats, élu(e)s du HDP,  maires et co-maires , enseignants, fonctionnaires sans traitement, etc..
Très récemment, le 1er février, lourdes peines pour l’ancienne maire de Diyarbakir Gultan Kişanak condamnée à 14 ans de prison tandis que l’ancienne coprésidente du HDP Sebahat Tuncel a été condamnée à 15 ans. Demirtas, coprésident du HDP, est en prison. Le Tribunal Des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe à Strasbourg a condamné son arrestation en Turquie. Prix Sakharov en 2017, sa candidature pour le prix Nobel de la paix 2019 a été demandée par le PCF et Thomas Hammarberg, député du parti social-démocrate suédois  -« Il (Demirtas) a travaillé pour la fin de la guerre contre les Kurdes" ». Le parti HDP comprend certes des Kurdes mais aussi des Arméniens, des Assyro-Chaldéens, des Yezidis, des Syriaques, …

Tribunal Permanent des Peuples : Erdogan a été condamné tout comme son chef d’armée pour violations des droits humains par le Tribunal Permanent des Peuples (TPP ) qui s’est tenu à Paris en mars 2018 et dont le verdict a été rendu public en mai à Bruxelles. Le Mouvement de la Paix était observateur lors de ce TPP. Erdogan est condamné pour « crime de guerre contre le peuple kurde en Turquie , déni au peuple Kurde de son droit à l’autodétermination, en lui imposant l’identité turque , en réprimant sa participation à la vie politique, économique et culturelle du pays. »
Ce même tribunal a reconnu comme légitime la lutte armée menée par les Kurdes car elle présente les caractéristiques d’un conflit armé non-international régi par le droit international humanitaire. Il ne s’agit pas d’un problème de terrorisme susceptible de se voir appliquer la législation antiterroriste. (À rappeler que les négociations de paix entre le PKK et la Turquie ont toujours été rompues par les gouvernements turcs).
La Cour de justice Européenne dans son jugement du 15 novembre 2018 a considéré qu’il n’existait pas d’élément suffisant pour placer le PKK dans la liste des organisations  terroristes. Le PKK doit donc être retiré de cette liste au niveau européen.
Violations des droits lors des différentes élections, fraudes électorales. Les prochaines élections municipales auront lieu en mars 2019, le CNSK demande des observateurs internationaux comme à chaque élection, nous avons tenu ce rôle il y a 5 ans et nous pouvons témoigner de son efficacité sans nous faire courir des risques. Le 14 octobre 2018, Erdogan a proclamé : « Il ne servira à rien de voter HDP, les maires élus seront immédiatement destitués et les mairies placées sous tutelle une nouvelle fois », cela devient habituel.
Jean Ziegler dénonce le silence des Nations Unies et des pays occidentaux sur ces menaces susceptibles hélas d’être mises en œuvre.

Place des femmes : résistance légendaire des femmes kurdes. Elle va bien au-delà de la lutte des femmes à Kobané dont la presse s’est emparée de façon très éphémère. Leur rôle est essentiel dans la vie du peuple kurde.
Ce n’est pas le hasard si le triple assassinat qui a eu lieu à Paris le 9 janvier 2014 concernait  3 femmes kurdes, femmes luttant contre le patriarcat et le féminicide : Leyla, Kurde de 20 ans, Rojbin en France, notre amie, Sakiné, ayant travaillé auprès d’Ocalan sur l’émancipation des femmes, sur l’éducation et bien sûr emprisonnée et torturée à la prison de Diyarbakir. Le procès n’a pas pu avoir lieu à Paris pour cause de décès du meurtrier un mois avant le début du procès. On le savait malade d’une tumeur au cerveau avec un pronostic vital très court, mais les procédures ont quand même trainé. Mais une nouvelle action en justice a été introduite il y a quelques mois par les familles des victimes pour faire toute la lumière sur l’identité et le rôle des commanditaires de ce triple assassinat : les services secrets turcs, le MIT. À noter, les familles n’ont jamais été reçues par l’Élysée comme cela se fait traditionnellement pour un crime politique commis sur le sol français. 
Ce triple crime ne doit pas rester impuni : devant la plaque commémorant ce triple assassinat au 147 rue La Fayette, un rassemblement de femmes se tient chaque mercredi et de grandes manifestations européennes ont lieu depuis 5 ans (la dernière le 12 janvier 2019).
Kurdes au Rojava (Kurdistan syrien)
Il existe une représentation officielle du Rojava à Paris. Le Mouvement était présent lors de son inauguration.
Un court métrage a été réalisé lors d’un voyage au Rojava en août par des membres de la CNSK (film qui peut être présenté dans les Comités). Il montre toute la complexité de la situation politique et économique de cette région ainsi que les besoins qui s’expriment notamment la demande d’industrialisation-avec des coopératives créées par des femmes. Cette région est très fertile et elle a donné cette année de bonnes récoltes. Il y a de nombreuses zones d’occupation ou sous contrôle : une zone occupée par la Turquie depuis mars 2017 et les milices de l’Armée Syrienne Libre (ASL) liées à Daesh, une autre contrôlée par la Turquie depuis mars 2018 et l’ASL,  une zone contrôlée par l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie et sa branche militaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS) et alliance multiethnique à dominante arabo-kurde, une zone avec la présence des FDS et des forces pro-régime, une zone avec la présence de la coalition internationale, une zone contrôlée par le régime syrien de Bachar al Assad, une autre zone contrôlée par la coalition jihadiste Hayat Tahrir al-Cham en présence de l’armée turque, sans compter sur la présence des forces russes au centre du Rojava….On doit se poser la question du droit de l’armée turque à occuper un pays frontalier.
Ce sont les Kurdes qui ont le plus lutté contre Daesh et ils luttent encore contre eux. Alors que la Turquie aide Daesh, ce n’est un secret pour personne. Erdogan se sert des Kurdes qu’il classe comme « terroristes » pour ne pas aborder la situation économique désastreuse de son pays. Les Kurdes sont des boucs-émissaires.
La situation des Kurdes qui ont été abandonnés par la coalition internationale devient encore plus fragile. En effet, récemment, Trump a décidé, seul et brusquement, de retirer ses troupes de Syrie alors que Daesh est encore présent et infiltré dans la population. Le canton d’Afrin, situé tout près de la frontière a été bombardée par les Turcs et les milices ASL en début de l’année 2018 (38 jours de cauchemar- 300000 personnes ont quitté ce canton en 2018) : aujourd’hui , c’est un chaos indescriptible ! D’après un réfugié kurde en France « Les habitants d’Afrin ont été remplacés par des populations extrémistes », la langue kurde y est interdite. 
De fait, Erdogan a peur que les Kurdes du Rojava restent installés à sa frontière en faisant la liaison avec les kurdes turcs. 
Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan ont convenu que leur prochaine étape en Syrie consisterait à créer une prétendue « zone de sécurité » s’étendant sur une distance de 20 miles (32 km) sur le territoire syrien. Erdogan a déclaré que la zone serait administrée par les forces turques, ce qui permettrait de l’appeler plutôt un « couloir de la mort ». Le Gouvernement syrien, avec l’aide des russes, a décidé de constituer cette zone tampon par l’armée syrienne.
La défaite durable de l’EI exigera un travail considérable pendant des années après sa défaite territoriale. Or au Rojava, il y a la création d’institutions démocratiques avec la protection de la liberté de religion et de l’égalité des sexes,( modèle d’institution installé aussi au Kurdistan turc), renforcement de la sécurité locale et préparation d’un règlement négocié de la guerre en Syrie. Une « zone de sécurité » sous contrôle turc exclusif ne ferait que transformer cette paix durement acquise en une nouvelle effusion de sang et en un chaos

Edith Boulanger

Publié dans MvtPaix, kurdistan

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