Hiroshima, Nagasaki : 72ème anniversaire - commémoration de Liourdres
Cérémonie des Bougies de Liourdres - 2017
Intervention de Christiane Combe, au nom du Mouvement de la Paix 19
Cela fait maintenant 19 ans que nous nous retrouvons ici, à l'occasion de ce triste anniversaire des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Les rares survivants – les « Hibakusha » - racontent : « en un instant, des milliers de gens ont été tués ou blessés, sans discrimination. Les cadavres carbonisés, les corps dont la peau partait en lambeaux, les longues files de gens errant en silence furent une vision de l'enfer. Ceux qui avaient échappé de peu à la mort s'effondraient les uns après les autres. » Et ils poursuivent : « Depuis, pendant plus de 70 ans, nous avons lutté pour survivre, dans les maladies créées par les effets à long terme, et la peur d'éventuelles conséquences des radiations sur nos enfants et petits-enfants. A partir de cette période, nous n'avons jamais cessé de faire appel au monde entier pour qu'il n'y ait plus jamais d'hibakusha. »
Nous pouvons aujourd'hui saluer leur action, puisque un traité d'interdiction des armes nucléaires vient d'être signé, il y a juste un mois, le 7 juillet dernier, à l'ONU, l'Organisation des Nations Unies, en présence de deux Hibakusha, par 122 pays sur 193. « C'est un message historique pour l'Humanité » déclarait en le présentant la représentante du Costa-Rica, tandis que le secrétaire général de l'ONU se félicitait de la signature de ce document. Dans ce nouveau traité, chaque pays s'engage à ne jamais, "en aucune circonstance mettre au point, mettre à l'essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ".
La journaliste du Monde, Nathalie Guibert, le remarque : « L'Autriche, le Brésil, le Mexique, l'Afrique du Sud, la Suède, l'Irlande, la Nouvelle Zélande ont été les Etats en pointe pour défendre ce traité, alors qu'aucun des neuf pays détenteurs de bombes (Etats-Unis, Russie, France, Royaume Uni, Chine, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord) n'a participé aux négociations ouvertes le 27 mars ».
Et plus inquiétant encore, et c'est le journaliste de Science et Avenir, Loïc Chauveau, qui le souligne : « les pays détenteurs de ce type d’armes ne se sentent pas concernés par ces négociations et estiment qu’elles ne sont pas le bon moyen de supprimer les armes nucléaires. Le Ministère français des Affaires Etrangères a publié le soir même un communiqué au ton à la fois martial et condescendant. Le texte du Ministère affirme qu' “un traité d’interdiction des armes nucléaires risque à cet égard d’affecter la sécurité de la région euro-atlantique et la stabilité internationale”. Les 122 signataires de l’accord de vendredi seraient donc des irresponsables. » Si l'on y réfléchit, cette phrase du Ministère des Affaires Etrangères est écrite contre toute vérité et contre tout bon sens.
Cela ne nous surprend pas outre mesure, nous membres du Mouvement de la Paix : depuis son élection, M. Macron, chef des Armées comme il se plaît à le souligner, a entrepris à marches forcées la réalisation de son projet d'intégration européenne : nous pouvons être sûrs que l'armement nucléaire français va devenir l’armement nucléaire de la future armée européenne, et qu’il recevra une doctrine d’emploi totalement nouvelle : quelle sera sa mission ? En tout cas, elle ne sera plus définie par la France, et l'on peut craindre le pire, quand on connaît le bellicisme de certains Etats membres de l'Union Européenne, complètement soumise à l'OTAN. Rappelons que jamais l'Union Européenne n'a fait obstacle à l'initiative d'un de ses membres ou d'un de ses alliés, lorsqu'il se lançait dans une aventure à finalité guerrière (Yougoslavie, Ukraine).
Remarquons que tout ceci est complètement occulté par les médias : nos concitoyens n'entendent jamais ces réalités. Je le disais l'année dernière : nous sommes tous soumis à un endoctrinement des gouvernements et des médias. Et à propos de l'arme nucléaire, pouvons-nous assurer qu'aucun chef de gouvernement ne trouvera un jour un bon prétexte pour utiliser la bombe ? Nous ne le pouvons pas. Aujourd'hui, chaque bombe équivaut à 1000 fois Hiroshima et Nagasaki. Aucun scientifique ne s'aventure à décrire les effets d'une explosion. Les scientifiques (des médecins, des météorologues, des physiciens, des juristes) disent : « aucune institution, nationale ou internationale, ne serait en mesure aujourd'hui, de faire face à l'explosion d'une arme atomique. »
Lors de la présentation à la presse de cette soirée, Louis remarquait aussi très justement : « Les Etats détenteurs de l'arme nucléaire insistent pour nous faire croire que les bombes nous protègent. C'est une ineptie. Ceux qui la possèdent sont aussi ceux qui sont le plus exposés en cas de conflit nucléaire, car ce sont eux qui seront les premiers visés. » Et le danger ne vient pas qu'en cas de conflit : « des accidents en lien avec le transport des bombes ont déjà eu lieu. Posséder la bombe fait courir un réel danger aux populations. »
Alors, oui, ne cédons pas à l'endoctrinement des gouvernements et des médias. Exigeons, avec les Hibakusha japonais, que « les gouvernements de tous les pays signent ce traité d'interdiction des armes nucléaires, dès le 20 septembre, date où il va être proposé à la signature. » Notre Comité de la Corrèze ajoute même : « Il faut que la France montre l'exemple, qu'elle rejoigne dès aujourd'hui les 12 Etats qui ont renoncé à l'arme atomique et les 115 pays qui sont membres de zones exemptes d'armes nucléaires. Rien ne le lui interdit.Au contraire, cette signature donnerait une impulsion importante au désarmement. »
Pour la paix, la France a besoin d'une industrie fabriquant des produits utiles pour satisfaire les besoins des citoyens, d’autant que les investissements civils produisent plus d’emplois que les investissements militaires.
La France a besoin d'une politique de reconquête industrielle pour répondre aux multiples besoins humains et environnementaux qui se font jour, en France et dans le monde, tout en replaçant les productions d’armes dans un pôle public contrôlé par le Parlement, de manière à exclure toute participation de la France au commerce des armes. La sécurité du pays ne peut pas être basée sur des rapports de force militaire. La sécurité de notre pays et du monde doit être basée sur l'intervention des peuples, de leurs organisations représentatives, syndicales et associatives, avec des politiques économiques et sociales axées sur les besoins humains.
Ainsi, grâce à une répartition équitable des ressources et des richesses, des coopérations économiques, sociales et culturelles peuvent être mises en œuvre. Ces coopérations favoriseraient le développement, la création d'emplois ainsi que la solidarité et la compréhension entre les peuples et donc la paix.
Voilà en tous cas quelques éléments de réflexion à méditer, quelques idées à faire progresser, à contre-courant. Nous informer, critiquer les informations, réfléchir, mettre en œuvre la raison, voilà ce qu'il faut que nous prenions l'habitude de faire, y compris quand il est question de sécurité.
« C'est faire confiance à la vie que se mesurer avec l'impossible », écrivait l'écrivain roumain Panaït Istrati.